> Le prochain roman de Jean-Christophe Grangé, intitulé Le Serment des Limbes, sort début mars !

 

 

   

   


Albin Michel, 5 avril 2004.
Même s'il reconnaît qu'Internet n'est pas un de ses passe-temps favoris, Jean-Christophe Grangé a parcouru les pages du site Rivières Pourpres et apprécié le travail que cela représentait. Il a donc très gentiment accepté de m'accorder une interview chez Albin Michel.

 

 

Deuxième Partie de l'interview :
L'actualité de Jean-Christophe Grangé

Nicolas - Une partie de votre actualité concerne le tournage de L'Empire des Loups (7) , qui se déroule en ce moment. Pouvez-vous revenir sur la génèse de ce projet : à quel moment avez-vous été contacté ? Comment s'est déroulée l'écriture du scénario ?

Jean-Christophe Grangé - Je suis très veinard avec le cinéma parce qu'à chaque sortie de livre, les producteurs me font des propositions. Il y a une sorte de montée aux enchères classique, mais dans mon cas qui va très très haut, voire le plus haut possible en France. Donc ça, c'est vraiment une très grande chance. Cette montée aux enchères est particulièrement fiévreuse parce que chaque producteur fait une offre en sachant que son voisin concurrent en fait une autre. Mais elle est encore attisée par le fait que, à ce moment-là, je vends des centaines de milliers de livres. Sur les Loups c'était complètement vertigineux : les producteurs devenaient vraiment fous.
Au final, j'ai choisi Gaumont parce que je les connaissais bien : c'était eux qui avaient financé Les Rivières Pourpres. Le producteur était Alain Goldman et sa société Légende Entreprises, mais Gaumont était très proche puisque c'était eux qui apportaient les fonds. Je les connaissais donc très bien. Cette fois-ci, ce sont eux qui se sont proposés pour produire "en direct" le livre, sans passer par un autre producteur, parce que les structures du cinéma français sont assez compliquées. Ça, c'était la première raison.
La deuxième raison, c'était qu'ils faisaient l'offre la plus haute.
Et la troisième raison, et c'est surtout ça qui m'a décidé, c'est qu'ils avaient déjà un projet artistique, c'est-à-dire un réalisateur sous la main, en l'occurrence Chris Nahon, qui cherchait un projet, qui aimait mon livre et qui voulait le faire. Ça voulait donc dire que le film allait tout de suite se mettre en route. Et comme je trouvais que le Concile et les Cigognes mettaient beaucoup de temps à se monter, le fait que L'Empire des Loups se fasse tout de suite était une de mes conditions.
Donc Gaumont a donc signé un contrat où ils s'engageaient à mettre le film en production avant un an. Jamais aucun producteur ne fait ça habituellement, parce qu'il y a tellement de choses qui peuvent arriver sur la préparation d'un film que c'est très risqué de leur part de s'engager comme ça.
A partir de cet achat assez "pharaonique", ils se sont tout de suite mis au travail, avec le réalisateur et un scénariste à l'écriture et ça n'a pas marché tout à fait bien. Moi, j'avais signé un contrat de consultant avec eux : je devais faire des réunions de temps en temps avec le scénariste et le réalisateur pour voir comment le projet avançait, pour comparer notre vision des choses. Comme ça a un petit peu coincé avec le scénariste, c'est en fait moi-même qui me suis mis au travail. J'ai écrit un scénario, qui a été réécrit depuis mais j'ai été alors, vraiment, partie prenante de l'écriture. J'ai travaillé avec le réalisateur et avec les scénaristes qui ont réécrit ensuite. J'ai supervisé la version finale, je me suis donc complètement immergé dans l'écriture et je suis très content du travail qui a été réalisé sur L'Empire des Loups.
Un des problèmes du cinéma est que le texte, le scénario sur le papier, est sujet à beaucoup de secousses jusqu'au moment du tournage : c'est ce qui s'est passé pour Les Rivières Pourpres. Mathieu (Kassovitz), sous l'influence de beaucoup de personne, des acteurs, des producteurs, du chef opérateur, ou même de choses comme la météo, a été obligé de réécrire et au final, ce n'était pas du tout ce qui avait été écrit au départ. Or là, sur L'Empire des Loups, le patron de la production de Gaumont, qui s'appelle Patrice Ledoux, surveille de très près qu'on tourne vraiment le texte, et le réalisateur s'est engagé à tourner exactement ce qui a été écrit. Et ça c'est génial, parce que dans le cas d'un thriller, on ne peut pas s'amuser à toucher aux répliques écrites. C'est très important.
Je suis content, parce que la mise en scène est chouette, les acteurs jouent très bien et jouent le texte, donc c'est vraiment un thriller qu'on va bien suivre. On a beaucoup reproché aux Rivières Pourpres le fait que le public soit perdu à la fin du film. Les spectateurs ne comprenaient pas bien la fin…

 

N. - A l'époque du film Les Rivières Pourpres, vous aviez évoqué la difficulté de caser des scènes d'explications sans compromettre le rythme du film. Vous aviez déclaré : « un film d'une heure trente doit être efficace, dynamique, explicite ».

J.-C. G. - Oui. Quand vous êtes auteur, vous trouvez que ceci ou cela est difficile et vous êtes le seul responsable : vous vous mettez au travail, vous voyez si ça marche, et si ça ne marche pas, vous redoublez d'efforts pour résoudre un problème. Mais au cinéma, le problème est que ça ne fonctionne pas comme ça parce qu'il y a des centaines de personnes mises à contribution.
Dans le cas d'une scène d'explication : est-ce la scène d'explication qui n'est pas bonne ? Est-ce que c'est les dialogues qui ne sont pas bons ? Est-ce que c'est le réalisateur qui n'a pas d'idées pour la tourner ? Est-ce que c'est les acteurs qui n'arrivent pas à jouer leur texte ? Est-ce que c'est les décors qui ne correspondent plus à cette scène ? On ne sait plus sous quelle responsabilité est le problème. Donc, souvent, on lâche prise, on fait autre chose…
Mais dans L'Empire des Loups, il va bien sûr y avoir des scènes d'explication, et je pense qu'elles passeront très bien. Une chose importante aussi, c'est les acteurs : est-ce qu'ils sentent leur scènes, est-ce qu'ils arrivent à la jouer ? Une scène mal jouée, c'est une scène qui ne tourne plus rond, qui sonne faux.
Je suis optimiste sur les Loups. Très optimiste. Je suis très impliqué. Alors que sur Les Rivières Pourpres 2, par exemple, je n'ai pas écrit une ligne.

 

N. - Vous aviez été contacté ?

J.-C. G. - Le producteur m'avait proposé d'écrire une suite. Moi, ça ne m'intéressait pas. Mathieu aussi, à un moment donné, avait pensé faire une suite…
Moi, ce que j'aime, c'est écrire de nouvelles histoires avec des nouveaux personnages. Même dans mes livres, je n'ai jamais eu l'idée d'écrire par exemple des romans policiers dont le héros serait toujours le même. Ça ne m'intéresse pas beaucoup. Ce que j'aime, en revanche, c'est mettre en scène de nouveaux personnages à chaque fois.

 

N. - Votre prochain roman, La Ligne Noire, va sortir au mois de mai Que pouvez-vous déjà nous dire sur ce livre ?

J.-C. G. - Plus le temps passe, plus je suis compact dans ce que j'écris dans mes livres. Et moins j'ai de choses à raconter en dehors. Cette fois, j'ai dit à mon attachée de presse : « Limite au maximum les interviews, parce que je n'ai rien à dire : tout est dans le livre ! ».
En plus, je fais partie des auteurs qui ne mettent pas beaucoup d'eux-même dans leurs livres : je n'aime pas du tout parler de moi, ni glisser des souvenirs personnels dans mes romans. Ce que j'aime bien, au contraire, c'est me projeter moi-même dans des personnages qui n'ont rien à voir avec moi.
Là, il se trouve que dans La Ligne Noire, le personnage principal est un journaliste. J'ai donc glissé quelques souvenirs, mais ce n'est pas du tout pour parler de moi et de façon indirecte me livrer à des confidences. Pas du tout. C'est au contraire par paresse : comme le héros était journaliste et que moi, j'ai des souvenirs de journaliste, je lui ai prêté quelques traits qui me sont personnels. Mais encore une fois, c'était plutôt par paresse et parce que je connaissais bien ce métier, que j'avais des souvenirs sur la question. Je voyais pas pourquoi j'allais inventer des choses alors que je pouvais prêter des épisodes de ma vie personnelle. Mais encore une fois, je n'ai absolument rien à voir avec le héros…
Tout ce qu'on peut dire sur le roman, c'est que c'est l'histoire d'une sorte de duel psychologique entre un journaliste passionné par les faits divers, par la pulsion criminelle, et un tueur qui a été arrêté en flagrant délit en Malaisie. Les deux personnages correspondent et, sans vouloir raconter l'histoire, le journaliste parvient, par une tromperie, à convaincre ce tueur de lui livrer des éléments capitaux sur ses crimes. Et le tueur va même finir par guider le personnage principal à travers l'Asie du sud-est sur la piste de ses crimes. Peu à peu, le héros va comprendre ce que fait vraiment ce tueur, chose qui n'a rien à avoir avec la version officielle. On pense que c'est simplement un tueur qui massacre des filles à coups de couteaux, comme ça, en état de crise. Alors qu'il s'agit d'un tueur très complexe, qui fait des choses complètement incroyables. Peu à peu, le journaliste va découvrir cela, en s'enfonçant dans l'Asie du sud-est…
Ce sont des pays que j'adore et que je connais bien. Mais à nouveau, j'ai tout dit dans mon livre. J'y parle de l'Asie du sud-est, et de la psychose du tueur. Contrairement à mes autres romans c'est un livre où il y a beaucoup moins de souvenirs journalistiques, car le centre du récit, c'est vraiment la psychose du tueur. Cette folie du tueur, c'est quelque chose que j'ai complètement inventé, c'est vraiment de la fiction. J'ai personnellement peu travaillé sur les faits divers en tant que journaliste et c'est donc une névrose que j'ai inventée, et dont je suis assez fier. Une névrose très cohérente. Ce que fait le tueur, comment il se comporte et surtout le traumatisme qui a donné naissance à cette névrose, tout cela forme un ensemble compact et très cohérent. Personnellement, je conseille de lire le livre… (rires)

 

N. - A l'époque de la sortie de L'Empire des Loups, vous aviez déclaré avoir un projet de « trilogie qui constituerait une remontée vers les origines du Mal ». Est-ce que ce sera le cas ?

J.-C. G. - Trilogie, c'est un grand mot. Là, en l'occurrence, c'est très informel. Ce qui est clair, c'est que dans ma tête et dans la conception que j'ai de mes trois prochains livres (La Ligne Noire et les deux suivants), il s'agit de trois voyages que j'ai inventés et qui sont conçus, c'est vrai, à chaque fois comme une remontée vers le Mal.
Le premier, c'est la remontée vers la source du Mal, vers la folie d'un tueur et l'origine-même de cette folie, le traumatisme initial.
Le second, celui que j'ai déjà commencé à écrire, c'est plutôt une remontée vers le diable : c'est un polar religieux.
Et le troisième ce sera plutôt une remontée vers le Mal primitif, à savoir ce qui aurait pu causer le traumatisme originel, préhistorique : qu'est-ce ce qui aurait pu donner naissance au Mal dans l'histoire de l'espèce humaine ?
Voilà, ces trois histoires ont, je trouve, un air de famille mais il ne s'agit pas du tout de trilogie, il n'y a pas de personnage récurrent dans les trois.
Il y a tout au plus un clin d'œil à la fin de La Ligne Noire : un des personnages, une femme, lit dans un journal un fait divers qui s'est passé en Sicile. Et, en fait, c'est là le sujet de mon prochain livre. Et je ferai peut-être le même type de clin d'œil à la fin du deuxième sur le troisième. Mais encore une fois, il n'y a aucun personnage qu'on va retrouver.

Troisième et dernière partie de l'interview
Les projets

 

7. Le film L'Empire des Loups, en tournage depuis le mois de février, est réalisé par Chris Nahon (Le Baiser Mortel du Dragon). Jean Reno et Jocelyn Quivrin y joueront les rôles de Schiffer et Nerteaux. Plus d'informations sur la page Anecdotes de L'Empire des Loups.

 

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